Fondateur du "réalisme sérieux" (E Auerbach), Le Rouge et le Noir se laisse lire comme la "chronique" d'un monde en crise. Il dépeint sans concession, parfois avec malignité, une société bloquée où héroïsme, talent et génie sont renvoyés à la nostalgie d'un autrefois définitivement perdu : le présent du "triste XIXe siècle" est uniformément gris. A cette grisaille Stendhal tend un miroir aux couleurs nouvelles, dans un roman dont le titre énigmatique continue de fasciner. Au noir éteignoir répondent les flamboiements d'un rouge où se reconnaissent - par exemple - la passion et la force irradiante d'une énergie conquérante. Car ce roman du "désenchantement" (Balzac), qui a choqué lors de sa parution, sait aussi conserver la puissance de l'affabulation, fait place à une formidable intrigue amoureuse, se nourrit aux sources d'un romanesque sans âge, qu'il réactive dans une marqueterie de toutes les formes romanesques disponibles sous la Restauration, qu'il englobe et dépasse dans une manière qui n'est qu'à lui.